Le tir à l’arc c’est pas du sport !

CHANG HYE JIN

Tireurs, golfeurs, boulistes, curlistes, cavaliers et archers entendent souvent cette phrase toute prête « de toute façon ton truc c’est pas du sport« . Entre idées reçues, fantasmes et méconnaissance du sport, ce poncif a la peau dure ! Cette remarque sort toujours de la bouche de non-pratiquants de sports ou de pratiquants d’activités physiques  notamment en salle dites de sport (faire de la muscu ou courir pour garder la ligne ce n’est pas du sport, puisqu’il n’y a pas de notion de compétition), beaucoup plus rarement de sportifs accomplis. Nous allons vous démontrer par A + B que le tir à l’arc est bien un sport complet, qui plus est adapté à tous les âges, niveaux et motivations. C’est un sport aux multiples visages

Quid de l’effort physique ?

L’image grand public du sportif se concentre essentiellement sur l’effort, la puissance, la vitesse, le mouvement, la transpiration, le souffle-coupé. Qu’imaginer alors d’un(e) archer(e) statique, parfois habillé de blanc ou d’un simple survêtement, qui tient dans sa main un jouet certes plus sophistiqué que ceux de nos enfances ?

Les archer·e·s qui arrivent en finale aux JO dépensent plus d’énergie durant la compétition que les médaillés courant le 100 m au JO

Comme l’indique la World Archery en citant une étude publiée dans le magazine britannique « The Economist » :

Pendant les Jeux Olympiques de Londres en 2012, le magazine d’actualité britannique The Economist a comparé l’utilisation de calories des médaillés d’or olympiques à 10 minutes d’autres activités telles que la danse, la plongée, balayer ou passer l’aspirateur.
Au cours de son parcours jusqu’à la première place du podium olympique, un archer brûle selon une estimation 1084 calories: c’est seulement 747 calories de moins que les marathoniennes, mais plus de 1054 de plus que les sprinteurs du 100 mètres. (Oui, les durées des épreuves sont différentes, mais ce point reste valable !)
Lors des compétitions, les archers marchent environ huit kilomètres (cinq miles) chaque jour, et peuvent brûler entre 100 et 150 calories toutes les 30 minutes.

La preuve en image :
etude-depense-energie-JO

Quand j’étais petit je me fabriquais des arcs, c’est trop facile, c’est un jeu !

J’ai essayé le tir à l’arc en vacances c’est trop facile, suffit de bien viser et c’est tout, on s’ennuie vite !

Primo, tout sport est un jeu. CQFD.

Un arc d’initiation développe à l’allonge de l’archer une puissance de 15 à 20 livres, soit une traction de corde mobilisant l’équivalent de 6,8 à 9 kilogrammes. Cette puissance est tout à fait adaptée pour l’apprentissage du tir à l’arc pour un adulte : il faut que l’expérience soit plaisante, facile et qu’elle ne puisse pas générer de blessures. Le tir à l’arc sollicite essentiellement les bras, épaules et dos.
Un archer adulte « moyen » tirant en arc classique et pratiquant le Tir Olympique (TAE distance internationale), en France, tire en fonction de sa catégorie d’arme et sexe les puissances suivantes :

  • Pour un homme arc classique, 40 livres, soit 18 kg
  • Pour une femme arc classique, 36 livres, soit 16,3 kg
  • Pour un homme arc à poulies, 55 livres, soit 25 kg
  • Pour une femme arc à poulies, 48 livres, soit 21,7 kg

Un archer régulier utilise donc un arc 3 à 6 fois plus puissant que ceux utilisés pour la découverte de l’archerie. Cela nécessite donc une musculature spécifique (épaules, dos, triceps, doigts) qui se développe au fruit de milliers d’heures d’entrainement et de musculation spécifique. A noter que le tir se réalise en partie en apnée, il faut donc concilier la puissance de l’arme, les mouvements qu’elle induit et la visée. Le rythme cardiaque peut s’élever rapidement, avec en compétition le stress… Le tir à l’arc ne développe pas l’endurance, mais pour tirer à l’arc à haut-niveau il faut de l’endurance. D’ailleurs nombreux archers de haut niveau en France sont également des coureurs de fond ou de demi-fond.

Sur une simple compétition (sans matchs) entre l’échauffement et le tir compté en lui même, un archer va tirer entre une vingtaine à une trentaine de flèches pour s’échauffer, puis 72 flèches comptées. Cela représente donc plus de 100 flèches, soit 100 tractions du bout des doigts sur l’équivalent d’un poids de 18 kg… Soit 1,8 T tractée sur une compétition. Nous passons à 2,7 T pour un archer à poulies qui tire la puissance maxima autorisée (certains archers classiques les traite de fainéants pourtant).

Un archer d’un niveau régional tire entre 400 à 600 flèches par semaine (soit 4 à 6T tractées par semaine), quant au niveau international, certains archers s’entrainent 2 fois par jour et 5 jours sur 7 (les 2 autres jours servent aux compétitions) avec des volumes de 500 à 900 flèches par jour… A ce niveau là la préparation physique est indispensable.
Notez que les meilleurs mondiaux tirent des puissances phénoménales pour le simple quidam, entre 48 à 55 livres pour les meilleurs mondiaux en arc classique. Mauro Nespoli aurait déjà tiré en compétition des puissances supérieures à 65 livres. Pour les arcs à poulies, la puissance est limitée réglementairement à 60 livres, mais dans les disciplines de parcours de type 3D Pro aux USA, il n’est pas rare de voir des archers tirer des puissances entre 80 et 90 livres, soit 36 à 40 kg. Quand on sait cela et que l’on ne voit pas trembler l’archer, et que l’on a une impression de facilité déconcertante qui laisse penser que la corde est un simple élastique on en est plus qu’admiratif…
Voici une vidéo d’archers de la catégorie U20 (mais néanmoins des Olympiens), remarquez la facilité et la souplesse des gestes, sachez qu’ils tirent des puissances déjà très élevées au delà des 45 livres !

Néanmoins nous vous rassurons, la puissance n’est pas gage de performance ! Il ne sert à rien de vouloir tirer un arc puissant, cela peut desservir. Le tout est d’utiliser un arc adapté à ses capacités physiques, son niveau de pratique et ses objectifs !

Une diversité de disciplines hors du commun

Tir en salle, tir en extérieur aux distances olympiques, Beursault, tir fédéral, tir en campagne, tir nature, tir 3Drun archery, ski-arc, tir à la perche, battle archery, golf archery, tir à l’arc à cheval, ce sont différentes formes de pratiques du tir à l’arc, il en existe encore bien d’autres : peu de sports proposent une telle diversité !

Une diversité d’armes

En tir à l’arc il y a 4 grandes familles d’arc :

  1. les arcs classiques, dits recurve (branche recourbées), Equipés de viseurs, d’une stabilisation ou employés « nus »
    Jean-Charles Valladont
    Jean-Charles Valladont, vice-champion olympique – Crédits : http://www.theinfinitecurve.com
  2. les arcs à poulies, dits compound, équipés de poulies ou de cames à leurs extrémités, permettant en position de visée de réduire la force de traction de 60 à 80%. A l’origine arc de chasse, l’arc à poulies connait une très forte progression ces 10 dernières années, il apporte une précision et une vitesse inégalable. Il souffre d’une réputation de facilité car beaucoup d’archers ou d’observateur se fixent sur la démultiplication… Un arc à poulie complet pèse l’équivalent de 2 arcs classiques équipés et il faut être capable d’encaisser l’armement direct au maximum de sa puissance.
    Sébastien Peineau arc à poulies
    Sébastien Peineau, Champion du monde en Salle, Champion du monde en tir extérieur (FITA) – Crédits : World Archery
  3. les arcs traditionnels : arcs médievaux « longbow », arc mongols, arcs coréens, arcs japonais… ce sont des arcs intégralement fabriqués en bois, bois et os, voire tendon…
    Robin Gardeur archer longbow 3D
    Robin Gardeur, Champion du monde de tir 3D individuel, Médaille de Bronze de tir 3D par équipe – Crédits : FFTA
  4. les arcs de chasse : réunissant à la fois des arcs classiques, poulies ou traditionnels.
    chasseurs à l'arc
    Chasseurs à l’arc. Crédits : La nouvelle République

Quand je vois le gabarit et l’âge de certains archers je rigole !

Une seule réponse : faites mieux qu’eux alors !


Il s’agit de la finale USA / Corée (la meilleure nation au monde). Les coréens sont super affûtés, pourtant ce sont les américains dont certains avec un léger embonpoint qui l’emportent.

Conclusion : le tir à l’arc est un sport complet ouvert à tous ! Pratiqué en compétition, il nécessite des qualités physiques, techniques et mentales équivalentes à n’importe quel autre sport plus médiatique, et une préparation longue et difficile. N’oubliez pas, il n’y a qu’un seul médaillé d’or olympique…

Une dernière petite vidéo pour les sceptiques :

 

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